Comptabilite

Pourquoi tenir une comptabilité dans une société civile ?

  • Partner - Responsable de l'Ingénierie Patrimoniale - Rothschild Martin Maurel

Si ce thème peut sembler anodin, il comporte cependant des enjeux aux conséquences souvent inconnues voire mésestimées de la plupart des associés de sociétés civiles.

Cela s’explique peut-être dans le principe d’exonération comptable qui s’applique aux sociétés civiles n’ayant pas opté pour l’impôt sur les sociétés, ainsi qu’à la fréquente faiblesse des flux et opérations, ne justifiant a priori pas la tenue d’une comptabilité.

Cependant, comme nous allons le voir, bien avisé sera souvent le gérant de ces sociétés, de tenir ou faire tenir une comptabilité pour retracer les opérations qui jalonnent la vie de sa société.

En effet, l’absence de comptabilité pourra avoir des conséquences significatives, concernant les relations entre associés et avec les tiers ainsi qu’au plan fiscal.

 

La tenue d’une comptabilité n’est en principe pas obligatoire…

Les sociétés civiles (SC), lorsqu’elles sont soumises à l’impôt sur le revenu, n’ont pas l’obligation de tenir une comptabilité commerciale.  

Pourtant, les associés disposent d’un droit d’information et de communication sur l’activité et la gestion de la société et doivent à ce titre pouvoir accéder aux comptes.[1] Le gérant devra d’ailleurs une fois l’an, faire approuver les comptes par les associés au moyen d’un rapport « comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et des pertes encourues ou prévues »[2]. Les SC étant souvent constituées entre membres d’une même famille, cette obligation n’est le plus souvent que théorique et fréquemment occultée.

La tenue a minima d’une comptabilité simple, « de trésorerie », c’est-à-dire d’un support dans lequel sont répertoriés chronologiquement les recettes et les dépenses, permettra dans bien des cas de répondre à cette exigence.

Attention cependant aux exceptions à ce principe d’exonération comptable. En effet, la tenue d’une comptabilité d’engagement, sera parfois obligatoire. Plus rigoureuse que la comptabilité de trésorerie, elle impose notamment de suivre les prescriptions du plan comptable général, normé réglementairement.

Cette obligation d’une comptabilité commerciale existera notamment dans les cas suivants : si les statuts de la société le prévoient, si la SC opte pour l’impôt sur les sociétés, si la SC exerce une activité commerciale au sens fiscal, telle que la location meublée, ou l’activité de marchand de biens ou en cas d’entrée au capital d’un associé assujetti à l’impôt sur les sociétés ou aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

 

… mais la tenue d’une comptabilité s’avère cependant un choix judicieux

Un choix judicieux s’agissant des relations entre associés et avec les tiers

  • En cas de relation conflictuelle entre associés, le gérant peut être révoqué pour faute. Le fondement de cette sanction pourra résider dans l’absence de comptabilité permettant de fournir une information suffisante aux associés.
  • Si un nouvel associé rentre dans la société, comment justifier de la valeur de souscription de ses parts sociales ? Comment évacuer toute discussion ultérieure à ce sujet, source potentielle de conflit ? Une comptabilité.
  • Tenir une comptabilité est également souhaitable si la société civile a été constituée par des époux, entre concubins ou par des membres d’un cercle familial élargi : elle facilitera notamment la justification de l’origine des fonds (souscription au capital ou apports en comptes courants). Valable en temps normal, cette précaution sera aussi appréciée en cas de séparation, permettant alors de justifier rapidement et facilement des apports de chacun.
  • Sur le plan juridique, la mise en place d’une convention de compte-courant n’étant pas obligatoire pour permettre leur création, ce document n’est pas toujours établi. Or, si l’un des associés souhaite sortir de la société, ou se faire rembourser ses apports (possibilité ouverte à tout moment), les écritures comptables seront alors souvent le seul moyen de justifier de l’existence de l’opération, de sa nature juridique et du montant de la créance.
  • La comptabilité permet aussi d’adapter la politique comptable aux objectifs poursuivis par les associés : amortissement ou non de l’immeuble, distribution ou mise en réserve des résultats. Les écritures comptables permettront ainsi aux associés de se préconstituer la preuve de la bonne répartition des bénéfices au moment de l’affectation des résultats, point important en cas de démembrement des parts sociales (cf. notre article du 21 mars 2024 « Droits sociaux démembrés : les enjeux d’une mise en réserve des bénéfices »).

 

Un choix également judicieux au plan fiscal

  • La tenue d’une comptabilité permettra aux associés de pouvoir facilement compléter leur déclaration fiscale des revenus fonciers (Cerfa n°2072), des revenus perçus de la SC.
  • En cas de contrôle des services fiscaux, la comptabilité facilitera les réponses (existence de déficits fonciers, réalisation de pertes ou moins-values de cession, etc.) et rendra opposable certains éléments, notamment les sommes dues par la société aux associés.
  • Une cession de parts sociales sans tenue d’une comptabilité peut être source d’inconvénients :

Tout d’abord au regard des droits d’enregistrement. Ces derniers sont en effet basés sur la valeur nette des parts sociales. Le taux est en général de 3% sur les cessions de parts sociales, voire 5% en cas de parts de sociétés à prépondérance immobilière.

Or, la sortie d’un associé de la société s’accompagne fréquemment de la demande par ce dernier du remboursement de son compte courant. La comptabilité permettra de justifier facilement de la nature de chacun de ces flux financiers (vente des parts sociales et remboursement de la créance) et ainsi évitera que le remboursement ou la cession du compte courant d’associé soit taxé aux droits d’enregistrement.

En second lieu, la comptabilité facilitera le calcul et la justification du montant exact de la plus-value de cession imposable chez l’associé quittant la société. En effet, la valeur des parts sociales s’est accrue des bénéfices annuels réalisés par la société. Or dans une société translucide, les associés sont imposés annuellement sur leur quote-part de résultat. De ce fait, afin d’éviter une double imposition, le prix de revient des parts devra être rehaussé de la quote-part des résultats annuels revenant à l’associé sortant et sur lesquels il a déjà acquitté l’impôt sur le revenu[3].

  • Autre avantage : certains associés de la société peuvent être redevables de l’Impôt sur la Fortune Immobilière. Or, l’endettement de la SC détenant des immeubles, que constituent les comptes courants d’associés, permettra (sauf dispositif « anti-abus »), de réduire la valeur taxable des parts sociales à déclarer par les associés. Une comptabilité bien tenue facilitera la preuve du « caractère normal des conditions du prêt », condition imposée pour permettre sa prise en compte et ainsi justifier de la valorisation des parts sociales pour le calcul de l’IFI[4].
  • En cas de souscription d’un contrat de capitalisation par la société civile translucide, une comptabilité permettra à la fin de chaque année, la revalorisation de sa valeur à l’actif du bilan, lorsque les statuts le prévoient, ce qui permettra d’augmenter le résultat distribuable de la société. Les associés pourront donc percevoir, en cas de mise en distribution du résultat, les gains, même latents, constatés au sein de ce support d’investissement. Cette technique est notamment pertinente en cas de démembrement des parts sociales, car les dividendes prélevés sur les résultats reviennent à l’usufruitier.
  • Enfin, il arrive que des comptes courants soient alimentés par des sommes démembrées. Dans cette hypothèse, la comptabilité permettra leur traçabilité et évitera ainsi de devoir payer des droits de mutation sur leur valeur en pleine propriété lors de l’extinction de l’usufruit.

 

L’accompagnement de Rothschild Martin Maurel

S’il existe effectivement des cas ou la tenue d’une comptabilité ne s’avère ni obligatoire, ni indispensable, nombreuses cependant sont les situations, comme nous venons de le voir, ou elle apparait vivement recommandée, voire nécessaire.

Rothschild Martin Maurel dispose d’une expertise ancienne et reconnue en la matière et son Family Office propose toute une palette de services sur-mesure. L’accompagnement en matière de société patrimoniale est une offre globale « clé en main » qui englobe la rédaction des statuts adaptée à chaque structure juridique et à la situation du client, la constitution de la société auprès des administrations, et le suivi juridique et administratif.

Notre Family Office propose également la domiciliation de la société afin de centraliser les courriers permettant un gain de temps et d'efficacité dans le suivi des affaires courantes, notamment les échanges avec l'administration fiscale, tout en conservant un parfaite confidentialité pour le client dont l'adresse personnelle ne sera pas consultable dans les statuts.

Comme toujours, nos équipes sont à votre disposition pour vous accompagner et vous conseiller dans tous ces domaines.

 

Achevé de rédiger le 11/04/2024

 

[1] Art. 1855 du Code civil

[2] Art. 1856 du Code civil

[3] Transposition de l’arrêt du Conseil d’Etat rendu en matière de plus-values professionnelles aux cessions de parts de sociétés civiles soumises au régime de droit commun des plus-values sur valeurs mobilières (CE 25-11-2009 n°310746)

[4] Dans le cas où le prêt a été consenti à la SC par un membre du cercle familial élargi (ascendant, descendant, frère ou sœur de l’un des membres du foyer IFI).

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