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Comment assurer la protection de son conjoint en cas de décès ?

  • Partner - Responsable de l'Ingénierie Patrimoniale - Rothschild Martin Maurel

Si les époux bénéficient d’une protection légale en cas de décès de l’un d’entre eux, il n’en va pas de même pour les partenaires liés par un PACS. En matière de protection des conjoints, l’expérience montre que la réussite d’une succession harmonieuse passe nécessairement par une organisation préalable.

 

Un état des lieux indispensable

Non seulement, le statut juridique et fiscal des conjoints diffèrent selon leur situation matrimoniale mais plus encore, la notion même de protection des époux va dépendre de leur patrimoine respectif et de leur descendance.

 

Les concubins et les partenaires pacsés d’un côté…

Aux yeux de la loi, les personnes vivant en concubinage font figure de « parents pauvres ». Elles ne sont pas appelées à hériter l’une de l’autre et si elles venaient à percevoir une part dans la succession (en vertu d’un testament, par exemple), la transmission subirait des droits de 60%. Dans le même esprit, elles ne disposent d’aucun droit particulier au titre de la résidence principale du couple, à l’exception de la poursuite du bail sous conditions. En clair, les concubins sont juridiquement assimilés à des personnes étrangères.

Concernant les moyens permettant de renforcer la protection des concubins, le contrat d’assurance-vie prend nettement l’avantage à condition qu’il ait été alimenté avant les 70 ans de l’assuré. En effet, dans ce cas, il est intéressant de désigner le concubin ou la concubine en tant que bénéficiaire du contrat, afin de lui permettre de bénéficier de la fiscalité avantageuse de cette enveloppe : 152 500 euros exonérés, 700 000 euros taxés à 20%, le solde étant soumis à un taux 31,25%.

S’agissant des personnes pacsées, la situation s’améliore sans toutefois égaler celle des couples mariés. Les intéressés n’ont aucun droit dans la succession de leur partenaire mais s’ils viennent à hériter par voie de legs, ils bénéficient d’une totale exonération de droits de succession. Ils disposent également d’un droit de jouissance gratuite d’un an au titre de la résidence principale et d’un droit viager sur le logement, mais uniquement si ce dernier est prévu dans un testament.

Pour assurer la protection des personnes pacsées, il convient d’établir un testament à leur profit en se limitant à la quotité disponible s’il existe des enfants : la moitié en présence d’un enfant, un tiers en présence de deux enfants, un quart au-delà. À cela peut s’ajouter les capitaux-décès des contrats d’assurance-vie qui, rappelons-le, sont traités hors succession et versés en franchise de droits grâce au pacs.

 

… les couples mariés de l’autre

Dans un premier temps, il convient de déterminer le type de régime matrimonial applicable aux époux. Mariés sans contrat, les biens du couple sont régis par la communauté réduite aux acquêts qui offre une certaine protection : tandis que les biens détenus avant le mariage ou reçus depuis par donation ou succession demeurent propres, les biens acquis durant le mariage sont communs, tout comme les revenus professionnels et ceux afférents à des biens propres. En cas de décès, rappelons que le conjoint survivant conserve, au titre du régime matrimonial, ses biens propres et dispose de la moitié des biens communs. À l’inverse, en matière de séparation de biens, chacun possède son propre patrimoine, il n’y a pas de masse commune sauf achat indivis. Dans un cas comme dans l’autre, le conjoint survivant est appelé à hériter de son mari ou de son épouse prédécédé(e) mais il n’a pas le statut d’héritier réservataire sauf en l’absence d’enfant (réserve d’un quart de la succession).

 

Quels sont ses droits dans la succession ? Tout dépend des héritiers en présence.

Situation familiale

Droits légaux du conjoint

En présence d’enfants communs

un quart en pleine propriété ou 100% en usufruit

En présence d’enfants non communs

un quart en pleine propriété

En présence des père et/ou mère

la moitié en pleine propriété si les deux parents sont en vie

les trois quarts en pleine propriété si un seul des parents est en vie

En l’absence des père et mère

100% en pleine propriété réduit à 50% pour les biens de famille reçus par donation ou succession de la part de ses père ou mère par le défunt (en concours avec les frères et sœurs ou leurs descendants)

 

Il convient de rappeler que le conjoint survivant recueille sa part en totale exonération de droits de succession. Il dispose, en outre, d’une jouissance gratuite d’un an au titre de la résidence principale ainsi que d’un droit viager d’habitation et d’usage du mobilier (s’il exerce cette option et moyennant imputation de sa valeur sur sa quote-part dans la succession). Il pourra également se faire attribuer préférentiellement la résidence principale dans le cadre du partage de la succession.

 

Les axes d’amélioration de la situation du conjoint survivant

La donation au dernier vivant ou le testament

Pour les personnes mariées, il est possible de consentir une donation au dernier vivant si les quotités légales sont jugées insuffisantes. Cette solution réhausse les droits du conjoint survivant à hauteur de la « quotité disponible spéciale entre époux » qui peut alors opter pour :

  • La totalité en usufruit ;
  • Un quart en pleine propriété et trois quart en usufruit ;
  • La quotité disponible ordinaire (la moitié en présence d’un enfant, un tiers en présence de deux enfants, un quart au-delà) ;

Depuis 2006, le conjoint dispose de la faculté de cantonnement. Ce mécanisme lui offre la possibilité de limiter ses droits sur certains biens uniquement. À titre d’exemple, il peut opter pour la totalité en usufruit sur les biens immobiliers mais ne pas faire jouer pour ce droit sur les actifs financiers qui seront alors transmis en totalité aux héritiers. Cette règle du cantonnement peut s’avérer très utile et ne s’applique qu’en présence d’une disposition à cause de mort (donation au dernier vivant ou testament).

 

Le conjoint bénéficie de deux autres droits patrimoniaux importants

En premier lieu, pour les époux, la pension de réversion, sachant que chaque régime de retraite dispose de ses propres règles. Elle s’élève à l’heure actuelle à environ 60% de la retraite du conjoint prédécédé mais son montant fait l’objet de discussions dans le cadre de la réforme des retraites. Notez que, si la personne décédée a été mariée à plusieurs reprises, la réversion sera partagée, souvent au prorata de la durée respective de chaque mariage.

En second lieu, si les époux ou partenaires liés par un pacs ont procédé à des donations de nue-propriété à leurs enfants, une réversion d'usufruit au profit du conjoint survivant permettra à ce dernier de continuer à jouir du bien démembré ou à en percevoir les revenus en franchise de droits de mutation à titre gratuit. Au second décès, l’usufruit s’éteindra et les enfants deviendront pleinement propriétaires du bien sans fiscalité.

 

L’assurance-vie et la bonne rédaction de la clause bénéficiaire

Pour mémoire les capitaux décès d’un contrat d’assurance-vie sont civilement transmis hors succession, ce qui permet d’accroitre les droits du conjoint survivant. Il est parfaitement possible d’introduire une certaine souplesse dans la rédaction de la clause bénéficiaire : prévoir la possibilité pour le conjoint d'opter pourcertaines quotités prédéfinies, en pleine propriété ou en démembrement, ou de ne pas accepter le bénéfice de tout ou partie des capitaux-décès, afin de permettre leur transmission aux bénéficiaires en second désignés dans la clause (les enfants, par exemple).

 

Le choix du régime matrimonial

Une adaptation du régime matrimonial est tout à fait envisageable. Contrairement à la donation au dernier vivant ou au testament, les avantages matrimoniaux visés par le contrat sont alors irrévocables (sauf en cas de divorce si les époux l’ont prévu ainsi).

Une telle modification s’avère possible si elle est effectuée dans l’intérêt de la famille et, depuis le 25 mars 2019, elle peut intervenir à tout moment sans condition de durée de mariage. Certaines formalités doivent être remplies : la rédaction d’un acte notarié, une information des enfants et des créanciers qui ont alors trois mois pour s’y opposer et, dans de rares cas dont le refus de ces derniers, une homologation judiciaire.

Parmi les possibilités de changement, deux solutions se rencontrent fréquemment. La première s’adresse à ceux ayant choisi  la séparation de biens, qui veulent maintenir ce régime mais souhaitent dans le même temps renforcer la protection de leur conjoint. Ils peuvent adjoindre à la séparation de biens une société d’acquêts. Il s’agit, en pratique, d’une masse dont les époux vont définir le périmètre en y apportant des biens personnels (la résidence principale, par exemple), en y incluant des revenus futurs, etc. Cette partie de leurs actifs fonctionne alors comme un régime de communauté et « appartient » aux deux époux.

À l’extrême, certains adoptent la communauté universelle. Ce régime a le mérite d’être simple : tous les biens sont réputés communs. Au décès du conjoint, la moitié demeure la propriété du survivant et l’autre moitié fait partie de la succession. Il est néanmoins possible de décider des modalités d’attribution de la part de communauté du conjoint prédécédé : les aménagements le plus fréquents sont :

  • La clause d'attribution intégrale : elle permet au conjoint survivant de conserver la totalité de la communauté (ou de la société d’acquêts), il n’y a donc aucune ouverture de succession au premier décès dans le cadre d’une communauté universelle.
  • La clause de préciput : elle permet au conjoint de prélever avant tout partage un ou plusieurs biens communs (résidence principale, secondaire, contrat de capitalisation, valeur de rachat des contrats d’assurance-vie non dénoués) afin d’éviter qu’ils ne tombent dans la succession. Fiscalement, cette attribution est potentiellement[i] assujettie à un droit de partage de 2,5% lorsqu’elle est exercée.

Cependant, sachez que ces aménagements peuvent être remis en cause en présence d’enfants du premier lit qui se trouveraient lésés par la même occasion. En d’autres termes, si les effets de ces changements les privent de leur part réservataire, ils peuvent par le biais de l’« action en retranchement » réduire à la quotité disponible entre époux, les avantages accordés par le biais du contrat de mariage.

En conclusion, pour mettre à l’abri le conjoint survivant, les outils sont nombreux et variés. Selon l’organisation patrimoniale des intéressés, les solutions peuvent être intelligemment combinées entre elles tout en évitant, autant que faire ce peu, les situations d’indivision successorale. La protection du conjoint doit malgré tout demeurer équilibrée et raisonnable, car si elle devient excessive, elle peut amoindrir la transmission aux enfants et aller à l’encontre de l’optimum fiscal. Dans ce domaine, nous recommandons donc de mener une réflexion approfondie afin d’atteindre le niveau de protection recherché (patrimoine et revenus).

Achevé de rédiger le 15/01/2024

 

[i] Pour la doctrine et une partie de la jurisprudence (notamment CA Poitiers du 4 juillet 2023, n° 22/01034) l’exercice d’une clause préciput ne constitue pas un acte ouvrant à la perception du droit de partage de 2,5%. L’administration fiscale n’est pas toujours de cet avis et un amendement sénatorial a été déposé lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2024 afin de lever toute ambiguïté en excluant le droit de partage ; amendement qui n’a finalement pas été retenu par le Gouvernement. Le Gouvernement a précisé qu’il attendait que la jurisprudence se stabilise pour se prononcer sur le sujet.

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