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Comment intégrer la philanthropie au sein d’une stratégie patrimoniale ?

  • Partner - Responsable de l'Ingénierie Patrimoniale - Rothschild Martin Maurel

Le philanthrope cherche à améliorer le sort de ses semblables par différents moyens désintéressés. Signe d’un changement des comportements sociaux, les dons ne cessent de croître, favorisés par une augmentation du nombre et de la nature juridique des entités à but philanthropique et une fiscalité attachée aux dons qui est relativement incitative. Aussi les stratégies patrimoniales disponibles sont-elles intéressantes à plus d’un titre. 

 

Les structures utilisables

La démarche philanthropique relève souvent d’une approche passive où le donateur apporte son soutien à un projet ou une œuvre préexistante, par un don ou en tant que bénévole. Les associations et fondations, constituent les vecteurs habituels de ces démarches.

Structure adaptée à des projets de grande ampleur, la fondation est relativement rigide car elle nécessite un agrément administratif préalable, une dotation 1,5M€ pour être RUP (Reconnue d’Utilité Publique), doit adopter des statuts types et ne permet pas au donateur d’en détenir le contrôle exclusif.

De leur côté, les fondations abritées ou sous égide, confient (dans des proportions déterminées) la gestion opérationnelle de leur œuvre à une fondation abritante (gestion déléguée).

Mais de plus en plus souvent, les donateurs souhaitent pouvoir conserver le contrôle de leur générosité, personnaliser leur projet tout en s’y impliquant.

Pour ce faire, le fonds de dotation représente l’OSBL approprié (Organisme Sans But Lucratif), créé en France en 2008 seulement. Apparenté aux « endowment funds » anglo-saxons, sa création est libre, rapide et ne nécessite que 15.000 € de capitaux, même si en pratique, pour que le projet ait un sens, il faut allouer des fonds supérieurs. Il peut recevoir tout type de bien, ses statuts peuvent être personnalisés et l’administration n’a pas de droit de regard sur sa gestion. Si un comité consultatif est obligatoire à partir d’un million d’euros de dotation, la désignation de ses membres est librement définie par les statuts, laissant le fondateur contrôler l’organisme de façon autonome.

 

Un dispositif fiscal incitatif

Toutes les associations, fondations ou fonds de dotation, remplissant les conditions posées par la loi, peuvent ouvrir droit à réduction d’impôt. À ce titre, l’application du régime fiscal favorable dépend, pour l’essentiel, du caractère d’intérêt général de la structure bénéficiaire du don ainsi que de son domaine d’activité (cf. précisions apportées par l’administration fiscale à ce sujet dans le bulletin officiel des impôts).

Les dons aux organismes d’intérêt général établis dans un autre Etat membre de l’UE, procurent les mêmes avantages fiscaux, sous condition d’obtention par ces OSBL d’un agrément de l’administration fiscale française.

Un principe de non-cumul s’applique au contribuable mécène : un même don ne peut procurer deux avantages fiscaux. Cependant, rien n’interdit de combiner les types de dons ou de donner de son vivant ainsi qu’à son décès.

Concernant l’impôt sur le revenu, la réduction d’impôt au titre des dons consentis par les particuliers, est égale à 66% des sommes versées dans la limite de 20% du revenu imposable (l’excédent éventuel étant reportable cinq ans). Cette réduction n’est pas prise en compte dans le calcul du plafonnement des avantages fiscaux. Le taux de la réduction est porté à 75% (dans la limite de 1000€) pour les dons réalisés au bénéfice d’organismes d’aide aux personnes en difficulté.

Les versements peuvent également prendre la forme de dons en nature ou d’abandon de revenus (loyers, droits d’auteur, produits de placements solidaires ou caritatifs)

Afin de ne pas priver les OSBL d’une partie importante de leurs ressources, les donations et legs réalisés à leur bénéfice se voient exonérés de droits de mutation. Sont également soustraits de l’assiette des droits de succession les dons (en numéraire ou en nature), en pleine propriété, consentis à certains organismes, par les héritiers avant la date limite de dépôt de la déclaration de succession, soit dans les six mois du décès.

La philanthropie est également un enjeu pour les entreprises. Vecteur de valorisation de leur image et de notoriété, le don permet aux sociétés de réduire leur impôt (IS ou IR) de 60% du montant versé, dans la limite de 5‰ (pour mille) de leur chiffre d’affaires (ht), l’excédent étant reportable sur les cinq exercices suivants (déductible dans les mêmes conditions).

Le mécénat d’entreprise peut également se réaliser (sous conditions) par l’acquisition d’œuvres originales d’artistes vivants ou d’instruments de musique, le montant de la réduction (répartie sur cinq exercices) venant s’ajouter à celle des dons réalisés par l’entreprise.

 

Les stratégies patrimoniales au service de la philanthropie

Rappelons en préambule que l’avantage fiscal attaché à la philanthropie, sur un strict plan économique, ne compense pas l’appauvrissement qui résulte du don. Différentes solutions s’offrent toutefois au particulier mécène, pour transmettre tout en optimisant son opération :

Les donations annuelles n’engagent pas le contribuable, lui permettant d’ajuster les montants transmis, de façon optimale chaque année (notamment en cas de variation de revenus).

Le taux de la réduction IFI étant plus important que celui afférent à la réduction d’IR (75% contre 66%), il est en principe préférable pour les personnes assujetties, à condition qu’elles ne bénéficient pas du plafonnement de l’IFI, de réaliser des « dons-IFI ». On prêtera cependant attention aux montants à allouer du fait de l’absence de report ou restitution de la réduction IFI : si le plafond de réduction IFI (50 000€) est atteint le mécène pourra affecter le surplus du don qu’il envisage de faire à un organisme procurant une réduction d’IR.

La création d’un fonds de dotation, permettra à son fondateur de bénéficier d’une réduction d’IR tout en initiant son projet philanthropique en « pilotant » l’utilisation des capitaux. Si la donation porte sur des titres en forte plus-value (donation de droits sociaux préalable à une cession d’entreprise par exemple), l’opération « gommera » la plus-value qui aurait été imposable chez le mécène s’il avait cédé les titres puis donné le produit de la vente.

La donation temporaire d’usufruit (revenus d’immeubles locatifs, de parts de scpi ou de valeurs mobilières, brevets, détenus en direct ou via une société civile), ne donne pas droit au dispositif de réduction d’IR. Cependant elle permet, sans aliéner définitivement le bien, de doter l’organisme pendant une durée déterminée (trois ans minimum), tout en réduisant l’assiette taxable à l’IFI sur cette période.

La transmission à terme, qui prend la forme d’un legs testamentaire, ne procure aucune économie d’IR à la différence de la donation, mais est cependant révocable à tout moment. Le conseil d’un notaire pour la rédaction du testament est souhaitable, le contentieux lié aux difficultés d’interprétation n’étant pas rare. Le notaire s’assurera également que l’OSBL pourra valablement recevoir le don et ensuite le céder (les associations/fondations n’ont pas toutes les mêmes pratiques de vente des biens immobiliers, ce qui peut poser un problème si deux organismes sont légataires d’un même immeuble).

Enfin, lorsque le don envisagé rend possible un dépassement de la quotité disponible, le notaire pourra par sécurité, recueillir la renonciation anticipée à l’action en réduction par les héritiers réservataires.

Le principe du legs graduel ou résiduel consiste à désigner une personne physique comme premier gratifié, en prévoyant qu’à son décès, le bien légué revienne à un OSBL choisi. Dans le legs graduel, le premier gratifié doit conserver le bien, alors qu’il peut librement en disposer en cas de legs résiduel, l’organisme recevant ce qu’il en reste sans taxation supplémentaire. Ces solutions sont par exemple opportunes pour les familles ayant un enfant unique handicapé ou les couples sans enfant.

Le legs (ou donation) avec charge peut être combiné judicieusement avec un but philanthropique.

Cette technique juridique permet d’allier démarche philanthropique et transmission, notamment à un non parent. Dans cette hypothèse, le donateur transmet à l’OSBL, charge à ce dernier de transmettre au non parent un capital net de fiscalité, équivalent à celui qui lui serait revenu s’il avait perçu directement les capitaux par héritage. L’OSBL se charge parallèlement de régler les droits de mutation afférents.

S’il n’y a donc pas d’accroissement de la somme perçue par le donataire, ce type de legs permet de doter in fine l’OSBL d’un montant plus important que ne le permettrait un don philanthropique accompagné d’une donation classique au non parent.

En effet si le taux des droits de mutations demeure inchangé dans tous les cas (à 60% pour un non parent), l’assiette sur laquelle il s’applique dans le cas d’un legs avec charge, est, non pas le montant du legs à l’OSBL, mais la somme que ce dernier reverse au non parent.

Exemple : Une personne souhaitant transmettre un montant global de 200, pourra donner 100 à un OSBL et réaliser une donation de 100 au bénéfice d’un tiers. Ce dernier, après avoir réglé 60 de droits de mutation, disposera de 40.

En réalisant une donation avec charge, le donateur transmet 200 à l’OSBL, ce dernier reverse 40 au tiers et règle 24 de droits de mutation (40x60%). A l’issue de l’opération, le tiers dispose de la même somme (40), mais l’OSBL s’est vu doté de 136 (200-40-24), soit 36 de plus que dans le cas précédent.

Les transmissions décidées par les héritiers dans les six mois du décès, ne revêtent quant à elles, un intérêt, que si le montant des droits de succession applicables aux biens concernés dépasse l’avantage fiscal (réduction d’IR ou d’IFI) dont les héritiers pourraient bénéficier s’ils les transmettaient après avoir recueilli le patrimoine du défunt (hors coût de restructuration du patrimoine avant donation, telle une vente).

La gratification grâce à un contrat d’assurance-vie (l’OSBL étant désigné bénéficiaire de tout ou partie des capitaux décès) présente l’avantage, comme la technique testamentaire, de pouvoir être révocable à tout moment, si la situation patrimoniale du souscripteur le justifie.

L’organisme bénéficiaire sera quant à lui, satisfait par une perception « sans fiscalité » et rapide des capitaux, ne dépendant pas du règlement de la succession.

Les dirigeants d’entreprises industrielles et commerciales n’ayant pas opté pour l’IS, ont le choix entre une réduction d’impôt au niveau de leur entreprise (cf. ci-dessus) et celle prévue à l’intention des particuliers.

À la différence de l’impôt sur le revenu, les non-résidents bénéficient, du même dispositif de réduction IFI dû à raison de leurs biens situés en France, que les résidents fiscaux français, pour leurs dons aux organismes agréés. Il leur est donc loisible de réaliser eux-aussi des actes philanthropiques depuis l’étranger.

 

L’accompagnement de Rothschild Martin Maurel

Nos équipes ont développé depuis plusieurs années, une expertise en matière d’ingénierie patrimoniale intégrant une démarche philanthropique.  Aussi, nous sommes à même de vous conseiller utilement dans vos projets en la matière, notamment par le conseil en termes de fiscalité et de stratégie patrimoniale, création et aide au suivi de fonds de dotation.

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