Perspectives du Marché - La brume économique se dissipe

Avant-propos

Nous avons souvent relevé combien les marchés pouvaient paraître cruellement indifférents aux questions plus générales d’ordre humanitaire, pour se concentrer uniquement sur les facteurs clés que sont la rentabilité anticipée et les taux d’intérêt. Pourtant, et cela sans doute pour la première fois depuis la promenade en forêt des présidents Reagan et Gorbachev, le monde est devenu sensiblement plus dangereux en 2022. Les superpuissances actuelles s’affrontent, et à l’heure où nous abordons 2023, le risque géopolitique est trop important pour que les marchés puissent l’ignorer.

Si l’érosion du conflit en Ukraine est suffisamment sinistre, elle paraît maîtrisable. Lorsque l’on se projette au-delà de l’hiver, on observe que le monde peut se passer de l’énergie russe. Par ailleurs, le conflit en lui-même n’a pas connu l’escalade qu’il aurait pu connaître. Les tensions économiques ou (le ciel nous en préserve) militaires autour de la revendication territoriale de la Chine sur Taïwan présentent, toutefois, un risque d’une toute autre ampleur, qui représente pour nous l’élément le plus redoutable dans le « mur d’inquiétudes » actuel anormalement élevé.

La Chine ne renoncera jamais à sa revendication, et les Etats-Unis semblent incapables de faire preuve de nuance pour y répondre. Et parce que la Chine revêt une importance pour le monde que la Russie n’a pas, les sanctions représentent en effet dans ce contexte ce qu’un collègue qualifie de « destruction
économique mutuellement garantie ».

Pendant ce temps, extrapoler le recul apparent du président Xi en matière de COVID pour en déduire un retournement plus profond du contrôle de l’Etat chinois semble fantaisiste. Si la démocratie libérale constitue toujours la seule option à long terme possible (nous n’avons jamais accepté la thèse défendue dans « La fin de l’histoire »), le chemin pour y parvenir pourrait s’avérer effectivement très long.

La bonne (et constructive ?) nouvelle réside toutefois dans le fait que la Chine connaisse les enjeux, et qu’elle agisse généralement dans son propre intérêt (à la différence de la Russie). Selon nous, la Chine restera patiente : non-négociable ne signifie pas immédiatement applicable. Si les tensions pouvaient rester élevées, elles ne s’accentueraient pas nécessairement. Et le statu quo peut, et a pu, exister même dans un monde FOU.

Cela nous laisse toujours confrontés à la question conjoncturelle plus familière mais pressante suivante : l’inflation peut-elle s’estomper sans causer de récession économique ? Ici, la brume est peut-être en train de se dissiper et nous continuons de croire qu’elle le peut. Nous présentons notre raisonnement ci-dessous, avec notre habituel tour d’horizon de l’inflation ainsi qu’une revue de la COP27, au cours de laquelle le dosage d’atténuation et d’adaptation dans la réponse collective au changement climatique continue d’évoluer.

Nous souhaitons aux lecteurs de passer de paisibles fêtes de fin d’année.

Kevin Gardiner/Victor Balfour/Anthony Abrahamian

Stratégistes internationaux

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La brume économique se dissipe

RÉCESSION: PAS NÉCESSAIRE, PAS PROBABLE?

Quel est le niveau de faiblesse des économies nécessaire pour faire refluer l’inflation? Il semble que l’inflation soit en train d’atteindre un sommet tant aux Etats-Unis, qu’en Europe: voir ci-dessous. Il est pourtant encore trop tôt pour déterminer quelle est l’ampleur du recul économique nécessaire pour s’assurer que l’inflation diminue de manière assez suffisante et rapide pour que les banques centrales cessent d’augmenter les taux d’intérêt en 2023, et que les investisseurs se détendent, au moins sur ce point.

Jusqu’ici, les économies américaines et européennes ont généralement continué de croître, et le chômage demeure à des niveaux historiquement bas. (La Chine est en train de tracer un différent sillon en matière de cycle: si elle n’a pas beaucoup d’inflation, elle présente différentes problématiques en cours sur le plan immobilier et en termes de gestion de la COVID, et sa croissance tendancielle s’est affaiblie – ceci dit, l’économie a également progressé, assez fermement, en 2022.)

Les enquêtes d’activité indiquent néanmoins une poursuite du ralentissement en occident à l’approche de la nouvelle année, et une récession, c’est-à-dire une période de baisse, et non seulement de ralentissement du PIB, représente toujours un risque des deux côtés de l’Atlantique.

Comme nous le voyons, la question clé n’est pas de savoir si une récession aura/n’aura pas lieu (il est trop tôt pour se prononcer), mais, en revanche, elle de savoir si nous faisons face à un ralentissement plus sérieux, plus important qu’une récession « normale », du genre de celle qui a été si largement anticipée depuis le printemps. Selon nous, une récession n’est ni nécessaire, ni probable. Un ralentissement économique peut être créé de différentes manières, qui ne sont pas toutes aussi douloureuses.

INFLATION ACTUELLE: OFFRE FAIBLE, FORTE DEMANDE…

L’inflation reflète habituellement un déséquilibre entre les moteurs de l’offre globale et de la demande globale. Il s’agit spécifiquement d’un excédent d’une demande dynamique par rapport à une offre limitée. Cet excédent se résorbe lorsque les moteurs de l’offre sont relancés, et/ou lorsque les forces stimulant la demande s’affaiblissent.

De manière frustrante, nous ne pouvons pas mesurer avec précision l’excédent exact, et nous nous servons souvent des divergences de production par rapport à la tendance et des taux de variation en tant que guides. Ainsi, lorsque nous parlons de l’inflation de manière théorique en termes de niveaux d’activité, nous en faisons souvent le suivi de manière concrète en termes de taux de variation.

Les deux volets de l’économie se sont mal comportés dernièrement. La forte accélération actuelle de l’inflation est le reflet d’une combinaison de facteurs: goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement, renforcés par la poussée des coûts de l’énergie et les perturbations ayant suivi l’attaque de la Russie sur l’Ukraine, d’une part, et résurgence de la demande globale, amplifiée par des politiques monétaires imprudentes (taux d’intérêt et fourniture de liquidités inutilement généreuse), d’autre part.

… ET L’OFFRE PEUT S’AMÉLIORER, MÊME SI LA DEMANDE S’AFFAIBLIT

A plus long terme, si les facteurs de relance de l’offre jouent un rôle parallèlement à un affaiblissement de la demande dans la réduction de l’inflation, la probabilité d’une contraction significative de l’économie, voire d’un recul économique important, est plus faible.

L’offre accuse un retard lorsque l’inflation augmente. Si l’excédent de demande, c’est-à-dire l’excédent du taux de variation de la demande par rapport au taux de variation de l’offre, est réduit par le rattrapage, pour ainsi dire, du retard enregistré par l’offre, alors la production est moins susceptible de ralentir ou de baisser. La pression exercée par la demande va diminuer, et les capacités inutilisées vont augmenter, parce que la capacité normale est en train d’augmenter, et pas seulement parce que la demande placée sur cette capacité est en train de diminuer.

Veuillez nous excuser d’insister sur ce point (et d’y mêler la métaphore), mais c’est un peu comme l’écart entre deux coureurs dans une course. L’écart peut se réduire, soit si le coureur en seconde position rattrape son retard, auquel cas leur vitesse moyenne à tous deux augmente, soit si le leader ralenti, auquel cas leur vitesse moyenne à tous deux diminue. Si le coureur en tête ralentit et si celui qui est en retard accélère, leur vitesse moyenne est inchangée.

Bien entendu nous faisons de nombreux raccourcis dans cette démonstration, et comme nous l’avons observé à de très nombreuses reprises, c’est une chose de dire avec assurance que l’inflation reflète un excédent de pression de la demande – « trop d’argent pour trop peu de biens » – , c’en est une autre de dire que nous pouvons suivre, prédire ou ajuster l’inflation avec une grande confiance. Banquiers centraux, notez-le bien !

A ce jour, la majeure partie du resserrement de l’offre résulte de la hausse des prix des matières premières et des biens, la hausse enregistrée parmi ces derniers ayant commencé à se retourner (comme elle le fait souvent au bout du compte). Les problèmes logistiques (coûts de transport, congestion des ports) se sont également atténués et si la Chine était effectivement en train de relâcher ses contrôles liés à l’épidémie, ces problèmes pourraient encore s’atténuer davantage.
Il semble de plus en plus, toutefois, que ce soit les pénuries de main d’œuvre qui entraînent une contrainte en matière d’offre. La main d’œuvre étant le principal intrant à la production, même à la fabrication, c’est là que la majeure partie de la lutte contre l’inflation sous-jacente ou à long terme va se mener.

UN MARCHÉ DE L’EMPLOI PLUS FLEXIBLE…

Le marché de l’emploi peut toutefois ne pas être aussi tendu qu’il le paraît. Si certains secteurs, notamment la distribution, le transport, l’hôtellerie, la restauration et le divertissement, souffrent et semblent souffrir dans la majeure partie du monde développé (à savoir, non seulement dans le Royaume-Uni post-Brexit), de nombreux autres secteurs affichent une meilleure forme. Certaines pénuries peuvent être structurelles en résultant de l’évolution de modèles d’affaires et de coûts salariaux relatifs, plutôt que conjoncturelles.

Comment pouvons-nous laisser entendre que le marché de l’emploi puisse ne pas être aussi tendu que cela, au moment où l’agitation sociale dans l’industrie semble, en l’état actuel des choses, se répandre ? Eh bien, parce que les grèves que nous observons actuellement ne sont pas encore généralisées : elles restent largement limitées aux services publics et sont sporadiques plutôt que continues. Le nombre de jours de travail perdus en raison de conflits, même s’il était bien plus élevé dans le passé que ce que nous avons observé ces dernières années, est faible lorsqu’on le compare aux débrayages courants des années 70, l’époque où les spirales salaires-prix ont été, pour la dernière fois, une réalité (figure1).

Par ailleurs, les grèves actuelles sont largement défensives. Ici au Royaume-Uni, un pays qui n’est historiquement pas étranger à l’agitation sociale dans l’industrie, les salaires réels moyens ont déjà plus baissé qu’ils ne l’ont fait pendant toute la période des années 70. A cette époque-là, les salaires poussaient l’inflation à la hausse, les salaires réels suivant une tendance haussière, alors qu’aujourd’hui ils accusent un retard.

Ceci n’a vraiment rien de surprenant : après tout, si les salaires étaient actuellement vraiment rampants, il n’y aurait pas de « crise du coût de la vie ».

Encore une fois, il est possible que des facteurs structurels soient en jeu. Ici, au Royaume-Uni, les infirmières n’ont pas été payées de manière adéquate dès le départ, même avant que l’inflation n’ait entamé leur salaire réel. Ce qui est pourtant le plus frappant jusqu’ici en ce qui concerne le marché de l’emploi du reste du monde développé, c’est combien il s’est avéré calme.

Peut-être reconnaissons-nous collectivement que le principal coup porté aux revenus réels est en-dehors de notre contrôle, à savoir l’affaiblissement des termes de l’échange découlant de l’envolée des coûts de l’énergie (ceci dit, au moment où nous rédigeons cet article, les prix réels du pétrole sont revenus en-dessous de leur tendance à 10 ans et les prix du gaz naturel en Europe se situent toujours nettement en-dessous de leur sommet atteint en août, alors même que les températures tombent…).

Il est possible également que ce soit juste une question de temps, et qu’une hausse spectaculaire des revendications salariales soit imminente. Mais il existe une autre chose ayant un caractère imminent, c’est le probable recul de l’inflation globale, les effets de base liés aux prix des matières premières devenant plus favorables. Il n’est pas irréaliste de penser qu’au second semestre 2023 les salaires puissent en effet repartir à la hausse en termes réels, mais de manière passive, la croissance des prix à la consommation descendant en-dessous de la croissance des salaires.

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D’ici là, la baisse des salaires réels pourrait, elle-même, favoriser l’emploi et l’activité. Comme nous l’avons évoqué en novembre, il y a plus de « marge de manœuvre » dans les économies que ce que les experts insinuent : les salaires réels et les dépenses, par exemple, empruntent souvent des directions différentes.

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les marchés de l’emploi d’aujourd’hui pourraient s’avérer plus flexibles, à savoir : leur nature moins collectivisée, les réformes structurelles dans de nombreux pays européens, l’introduction des travailleurs chinois dans le bassin d’approvisionnement mondial, la nature modifiée de la production, et, plus récemment, l’altération des méthodes de travail. Et l’une des raisons pour lesquelles nous avons récemment connu un taux de chômage historiquement si bas réside sans doute dans cette flexibilité. La courbe de l’offre de travail effective peut s’être déplacée vers la droite, presque comme si la main d’œuvre avait implicitement échangé son pouvoir de négociation pour de l’emploi plus sécurisé.

… ET UN CONTE DE FÉES FESTIF

En revanche, la manchette récente d’un grand journal britannique laissait entendre que l’offre de main d’œuvre avait nettement baissé récemment : « Les millions manquants : où les travailleurs britanniques sont-ils partis ? » (The Times, 3 décembre), évoquant peut-être la fable des elfes et du cordonnier. Selon la thèse défendue, une soudaine baisse importante de la main d’œuvre s’est produite depuis la pandémie.

Les chiffres indiquent que les déclarations de maladies de longue durée ont augmenté, tout comme le nombre de personnes optant pour la poursuite d’études supérieures ou une formation complémentaire. Les taux d’« activité » ou de participation ont en effet baissé.

Ils n’ont toutefois pas baissé de beaucoup. Les taux d’activité des personnes en âge de travailler au Royaume-Uni, ont, en fait, touché un sommet historique juste avant la pandémie, et s’établissent toujours fermement dans la moitié supérieure de la fourchette à long terme historique. Le nombre de travailleurs « manquants » semble de pas se compter en « millions », mais s’établir globalement à un-demi-million. Aux Etats-Unis, le taux d’activité ayant connu une baisse similaire a commencé à opérer un rebond.

Dans le conte de fées original, le cordonnier a, bien entendu, continué de prospérer après que les elfes sont partis.

Enfin, un autre facteur moins visible stimule la capacité : la croissance de la productivité en cours, à mesure que nous avançons sur la voie du progrès et que nous innovons. Ces deniers temps, il est devenu à la mode de penser que de telles évolutions n’étaient plus possibles, mais elles le sont, et le potentiel productif des économies du monde développé continue probablement de croître. Encore une fois, toutes choses égales par ailleurs, ceci est susceptible de réduire le déséquilibre entre la demande et l’offre globales, et ainsi le montant de la baisse de production qui aurait été, sinon, nécessaire.

TAUX D’INTÉRÊT : DÉSORMAIS, NOUS TOUCHONS PRESQUE AU BUT

Tout cela ne veut pas dire pour autant que les banques centrales ont eu raison de prendre de tels risques monétaires. Elles n’avaient pas raison. Cela dit, après avoir réalisé leur erreur, elles ont rapidement procédé à une normalisation des taux d’intérêt au cours de 2022, faisant parcourir un long chemin aux marchés monétaires.

Si les banques ne vont pas tout à fait en rester là (nous rédigeons ces commentaires alors que la prochaine réunion de politique monétaire est imminente), les taux directeurs anticipés en 2023 vont revenir à des niveaux « normaux anciens » (figure 2), ce qui nous semble approprié, même si les salaires demeurent relativement passifs. Selon nous, les taux d’intérêt devraient rester à ces niveaux pendant plus longtemps que les marchés monétaires ne le resteront (encore une fois, même si la croissance commence à ralentir), pendant que les banques centrales échaudées rétabliront leur crédibilité. Si cela laisse les taux d’intérêt à long terme réels, en particulier, à des niveaux nous paraissant toujours un peu bas, surtout après le récent rally obligataire (figure 3), ces niveaux ne nous paraissent plus incongrus.

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Si des marchés de l’emploi flexibles et une croissance de la productivité n’empêchent pas les taux de se normaliser, ces facteurs permettent de réduire le risque d’exagération monétaire, qui constitue sans doute dorénavant la principale menace pour la croissance économique (alors que le coup porté par les termes de l’échange a été atténué par les gouvernements et que l’approvisionnement en énergie devrait s’améliorer au cours de 2023), en contribuant à réduire le déséquilibre entre la demande/l’offre globales.

CONCLUSION D’INVESTISSEMENT

Tout cela ne veut pas dire que les ménages et les entreprises ne devront pas affronter un hiver difficile. De nombreuses petites entreprises ont déjà fermé. Notre priorité ici doit toutefois se porter sur les agrégats et les moyennes qui guident les marchés de capitaux et les portefeuilles. Et, selon nous, au cours de l’année 2023, les banquiers centraux et les investisseurs pourront commencer à se détendre (du moins sur le front économique : cet éléphant géopolitique demeure toujours présent dans la pièce bien entendu).

En novembre, la principale question posée en matière d’investissement était de savoir quand acheter, et non pas quand vendre. Les valorisations boursières étaient proches de la tendance, et même les obligations semblaient être moins chères qu’elles ne l’avaient été depuis de nombreuses années. Nous avons conseillé d’attendre que le risque résiduel lié aux taux d’intérêt et aux résultats des entreprises soit intégré dans les cours (figure 4). Nous avons proposé une liste de catalyseurs potentiels à surveiller, tandis que nous attendions le moment de conseiller de réinvestir.

En tête de cette liste figurait un point d’inflexion dans l’inflation de base : un tel point semble être apparu dans les chiffres de l’IPC américain d’octobre et maintenant dans ceux de décembre. Des chiffres portant sur deux mois ne sont toutefois pas encore décisifs, et nous avons déjà assisté à des reprises des marchés des obligations et des actions, en continuant de préconiser d’attendre. Peut-être sommes-nous excessivement tactiques ? Après tout, si nous avons souvent écrit combien il était difficile d’anticiper les mouvements du marché avec précision, malgré nos opinions constructives sur le plan économique, nous continuons néanmoins de craindre que la fin de la volatilité du marché ne soit toujours pas en vue.

Oui, désormais nous touchons presque au but… mais il n’en demeure pas moins que nous atteindrons ce but, quand nous l’atteindrons.

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POSTFACE CONCERNANT LE BUDGET BRITANNIQUE : UNE LEÇON EN MATIÈRE DE BRUIT

En novembre, nous avions consacré beaucoup d’encre à l’évocation du Royaume-Uni. Si ce pays ne représente qu’une petite partie de la plupart des portefeuilles internationaux, il a dépassé son poids en termes de volatilité au cours de ces dernières semaines.

Une multitude d’embarras politiques et budgétaires ont frappé de plein fouet le marché du Gilt et secoué la devise britannique. On a parlé d’une nouvelle ère d’« austérité » pour remédier aux dommages causés et réduire la prime de bêtise (« moron premium ») sur les rendements.

Si la Déclaration des Prévisions d’Automne contenant les nouvelles projections budgétaires de la nouvelle administration a vraiment confirmé un relâchement net important de la politique budgétaire au cours des deux prochaines années menant aux futures élections (qui se tiendront probablement en janvier 2025), la prime de bêtise pourrait peut-être ne plus être intégrée dans les cours d’ici là. En tout cas, elle n’est pas intégrée dans les cours au moment où nous rédigeons cet article.

Incontestablement, le rally enregistré par les Gilts à long terme depuis la fin du mois de septembre a été absolument sensationnel, tout comme le rebond du taux de change livre sterling/dollar (partiellement attribuable au dollar, et non pas à la livre, comme c’était le cas lors de la chute précédente). Bien entendu, les rebonds ont bien moins attiré l’attention des médias que les replis de la devise, c’est la manière dont fonctionne l’industrie des médias.

Comme nous l’avions suggéré à l’époque, la réponse de l’establishment aux propositions de Liz Truss (même s’il s’agissait de propositions incohérentes, sources de divisions et présentées médiocrement), s’est avérée aussi embarrassante que le paquet de mesures lui-même. L’économie britannique ne s’est pas « effondrée », sa performance relative prospective n’est pas apparue comme étant nettement en inadéquation avec celle de l’UE, et son gouvernement a
gardé toute sa crédibilité.

Nous ne privilégions aucun des deux grands partis en particulier, mais deux choses nous frappent. Si, comme Harold Wilson l’avait déclaré, une semaine est une période longue en politique, que sont deux années ? Et l’un des moteurs les plus puissants du bien-être perçu n’est pas comment sont les choses, mais comment on les ressent par rapport à la manière dont on les ressentait auparavant. Nous remarquons que le pic des coûts énergétiques et le point bas
en matière de salaires réels seront probablement atteints cet hiver.

Mise à jour concernant l’inflation

Comme nous l’avons déjà évoqué, l’évolution de l’inflation va continuer à être surveillée de près en 2023. De manière prometteuse, les pressions à l’échelon mondial sont peut-être en train de se dissiper.

Les tensions dans les chaînes d’approvisionnement, un contributeur majeur à l’inflation des prix des biens, ont continué de s’atténuer. L’indice « Global Supply Chain Pressure Index » de la Fed de New York s’est récemment replié pour venir s’établir en territoire plus « normal », bien qu’il ne l’ait pas fait en ligne droite (figure 5). Si cela peut en partie s’expliquer par le ralentissement de la demande, l’offre est revenue également à un niveau conforme, les plateformes manufacturières ayant appris à s’adapter à la COVID au fil du temps. Le processus de réouverture de la Chine, bien qu’il soit progressif, devrait à l’avenir permettre d’atténuer davantage les problématiques d’approvisionnement à l’échelon mondial.

Les prix des matières premières se sont également retournés, et un pic dans les taux d’inflation globale est probablement à portée de main. Bien entendu, les prix de certaines matières premières se maintiennent à des niveaux élevés, en particulier dans l’alimentation et le secteur de l’énergie en Europe, mais les effets de base qui s’annoncent commencent à jouer un rôle important : la croissance en glissement annuel des prix alimentaires de l’indice « UN Food and
Agriculture Organization World Food Price Index », par exemple, est en train de s’approcher de zéro (figure 6).

Au sein des principales économies, les Etats-Unis ont sans doute connu l’amélioration la plus notable : le taux d’inflation globale s’est replié pendant cinq mois consécutifs, tombant à 7,1% en novembre (figure 7). La contribution de l’énergie à l’IPC global est en train de s’estomper,

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partiellement en raison d’effets de base favorables, et les prix de l’alimentation ont récemment commencé à suivre cette voie.

Même si l’inflation de base aux Etats-Unis (c’est-à-dire, l’inflation hors énergie et alimentation) s’est montrée plus persistante, elle semble avoir également atteint un pic (figure 8). Les pressions sur les prix des biens se sont nettement atténuées ces derniers mois. Les améliorations en matière d’approvisionnement et la baisse des prix des matières premières ont réduit les coûts des intrants des entreprises (ces dernières ont désormais moins de raisons de répercuter des coûts plus élevés sur les consommateurs), tandis que les économies en réouverture ont déplacé la demande des consommateurs des biens vers les services.

En conséquence, la tendance de l’inflation liée aux services aux Etats-Unis s’est raffermie. Toutefois, même là-bas, la contribution provenant des loyers qui représente globalement un tiers du panier d’inflation total, devrait commencer à fléchir bientôt. Elle talonne en effet la hausse des prix du logement d’à peu près une année, cette hausse ayant commencé à afficher un net ralentissement il y a quelque mois de cela. Les perspectives concernant l’IPC des services hors logement sont sans doute les plus floues, même si le niveau de cet indice a, en réalité, enregistré un recul très modeste en octobre et novembre.

Le contexte inflationniste présent en Europe semble sans conteste plus préoccupant. Les taux d’inflation globale au Royaume-Uni et dans la zone euro ont dépassé ceux des Etats-Unis cette année, atteignant des niveaux à deux chiffres après que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a propulsé les prix du gaz naturel vers le haut. Le fléchissement des devises vis-à-vis du dollar américain n’a, en outre, rien arrangé.

Cela étant dit, il est probable que même en Europe, le pire en matière d’inflation liée à l’énergie soit désormais derrière nous. Si les prix du gaz naturel européen demeurent supérieurs à leurs niveaux pré-pandémiques, ils sont dorénavant bien inférieurs à leurs sommets atteints depuis le début de l’année (50 à 60% en-dessous de leurs sommets enregistrés cet été, au moment où nous rédigeons cet article). De plus, il est difficile d’imaginer que ces prix du gaz puissent connaître une hausse marquée à partir des niveaux actuels :

  • L’Europe n’importe plus beaucoup de gaz naturel de la Russie : les importations sont inférieures d’environ deux tiers par rapport à leur niveau du début d’année, selon les
    estimations de l’institut Bruegel.
  •  Les pays européens ont manifestement économisé, adapté et trouvé des substituts au gaz russe. Les importations de gaz naturel liquéfié (LNG) ont fortement augmenté tout au long de cette année

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  • Les gouvernements ont répondu en mettant en place des plafonnements des prix de l’énergie à travers le continent. En retour, ceci a empêché une nouvelle explosion des taux d’inflation globale, en particulier au Royaume-Uni.
  • Heureusement, cet hiver a été relativement doux jusqu’ici, réduisant davantage la demande en énergie (les gouvernements étant également en train de promouvoir l’efficacité énergétique). Même si les températures étaient amenées à chuter dans les prochains mois, les stocks de gaz européen sont relativement élevés pour cette période de l’année.

En conséquence, il est probable que les taux d’inflation globale aient atteint leur sommet en Europe : les chiffres d’inflation publiés dans la zone euro se sont retournés en novembre, tandis que les chiffres équivalents au Royaume-Uni devraient atteindre leur point culminant au cours de ce trimestre.

Les pressions inflationnistes ont été plus contenues dans les principales économies asiatiques. Si le Japon a connu une inflation supérieure à la tendance, cette dernière s’approche « seulement » de 4%. En Chine, la croissance faible et interrompue par la COVID a maintenu l’inflation à un niveau inhabituellement modeste cette année : les taux d’inflation globale et de base se sont établis en moyenne à 2% et 1%, respectivement.

En résumé, les taux d’inflation globale ont commencé à amorcer une baisse dans la majeure partie du monde. L’inflation sous-jacente va probablement se tasser plus lentement, les économies demeurant proches du plein emploi et les salaires suivant les IPC à la hausse (figure 9). Comme nous l’avons toutefois évoqué ci-dessus, la remontée des salaires n’est pas aussi spectaculaire qu’elle aurait pu l’être et l’offre de main d’œuvre pourrait se montrer plus flexible que ce que l’on avait craint. Il n’y a guère de signe indiquant la très redoutée spirale salaires-prix : la croissance des salaires réels reste ancrée en territoire négatif dans la plupart des grandes économies (figure 10) et les marchés de l’emploi sont structurellement plus flexible que durant les années 70 « stagflationnistes ».

S’il est peu probable, selon nous, que l’inflation revienne durablement au niveau largement ciblé de 2% dans un avenir proche, nous continuons de penser que les taux d’inflation reculeront tout au long de 2023, de manière rapide pour l’inflation globale et de manière lente pour l’inflation de base. Nous pensons, en outre, que les taux d’intérêt et le risque de récession sont proches de leur sommet.

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Bonne COP, mauvaise COP

A l’approche de la 27ème Conférence des Parties en Egypte, les attentes étaient élevées. Les marchés de l’alimentation et de l’énergie ont été bouleversés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Compte tenu des prix toujours nettement élevés de nombreuses matières premières, notamment ceux du gaz naturel, les arguments plaidant en faveur d’une accélération du passage à des pratiques plus durables et auto-suffisantes n’ont jamais été aussi forts.

Si le texte final conclu à la dernière minute contient des accords sur plusieurs initiatives importantes, de nombreux participants sont repartis déçus. Ce qui a été le plus manifeste, c’est l’absence de nouveaux engagements visant à renforcer l’élimination progressive de l’utilisation des combustibles fossiles, même si cette conférence avait été annoncée comme la « COP de la mise en œuvre ». S’il ne fait aucun doute que les pays veulent voir de nouveaux progrès, l’acceptation du changement nécessite une détermination d’un autre niveau. L’absence d’accord sur l’utilisation du charbon, en particulier, met en exergue les positions divergentes de nombreuses nations consommatrices d’énergie, de tels objectifs ambitieux étant associés à un coût politique élevé, surtout dans l’environnement économique actuel. Malgré les exhortations des grandes économies développées, notamment les Etats-Unis, l’Europe et le Royaume-Uni, l’engagement de la COP de Paris de 2015 visant à « préserver l’objectif de 1,5 degré » semble s’éteindre doucement.

Ces lacunes ne devraient pourtant pas éclipser certaines évolutions importantes et constructives, notamment le fonds « pertes et préjudices », la reconnaissance de l’importance de « l’adaptation », et l’encouragement à une plus forte implication du secteur privé.

La première des trois évolutions représente sans conteste une étape historique pour les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. L’initiative tant attendue verra la mise en place d’un fonds pour compenser les « pertes et préjudices » occasionnés par des pays, en conséquence du changement climatique en cours. Si les détails liés à ce « Fonds d’adaptation », dont sa taille, les pays donateurs et la définition de ce qui constituera un « préjudice », doivent encore être précisés, le message implicite est clair : les pays développés compenseront les pays en développement pour tout préjudice causé. Fondamentalement, ce nouveau troisième pilier n’est pas une forme de « réparation », il n’est pas destiné à traiter d’injustices ou de dommages passés. En contournant l’épineuse question de la responsabilité, il se concentre sur l’impact futur : par exemple, des pays à faibles revenus pourraient être compensés pour leur adhésion au net zéro plus tôt que cela n’aurait été, sinon, le cas.

Mais cette COP n’a pas uniquement tourné autour du partage du fardeau : l’autre évolution importante a été la promotion de l’« adaptation » au sens plus large. Cet élément est généralement considéré comme étant le cousin éloigné, moins décisif, de l’ « atténuation » et qui est axé sur les efforts visant à réduire les émissions de carbone, plutôt que sur l’adaptation à leurs effets. Ce changement d’orientation est vu par certains comme un échec. Pourtant, étant donné les conditions météorologiques volatiles qui nous accompagnent apparemment d’ores et déjà, comme l’illustrent les vagues de chaleur extrêmes de cette année et les feux de forêts en Europe ou les inondations record au Pakistan, il est reconnu que nous devons changer notre mode de vie pour y faire face. Cela pourrait inclure des mesures telles que des cultures tolérantes à la sécheresse, une plus grande protection face aux inondations, des chaînes d’approvisionnement plus efficaces et durables, ou simplement la construction d’habitats et une façon de vivre nous exposant moins aux dangers. La réalité est la suivante : même avec 70 pays (représentant les trois-quarts des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelon mondial) ayant un objectif net zéro d’ici 2050, les émissions de carbone continueront de croître au cours des prochaines décennies ; par ailleurs, l’adaptation est inévitable et non pas optionnelle.

Une autre partie importante mais occultée des discussions concerne la manière dont les gouvernements vont engager et encourager le secteur privé à atteindre la neutralité carbone et aller au-delà. Cette COP a vu un nombre important d’entreprises et d’institutions financières participer (par rapport au passé), et le fait d’attirer les capitaux privés devrait stimuler l’innovation, favorisant aussi bien l’atténuation que l’adaptation. Il est tout aussi important de mobiliser la finance durable pour soutenir les initiatives vertes, que ce soit par l’accélération de la transition de sortie des GES ou en permettant au secteur privé de se substituer là où le financement public n’existe tout simplement pas.

Parmi les innovations positives, notons la perspective d’un renforcement de la réglementation sur le marché en rapide expansion du crédit carbone, avec des certificats
négociables permettant aux entreprises d’émettre un certain volume de dioxyde de carbone (ou d’équivalent GES). Cette proposition est plus pertinente au sein du marché « de conformité » (règlementaire), qui est plus important, dans lequel le gouvernement rend obligatoire un niveau d’émissions maximum pour certaines entreprises, et pourtant, le marché volontaire de taille plus petite est en train de gagner du terrain. Ce dernier permet à des entreprises (et particuliers) soucieux de l’environnement mais non réglementés d’atteindre la neutralité carbone. Au cours de ces dernières années, ce marché volontaire  a fait l’objet de critiques en raison de possibles procédés de « greenwashing » et de double comptabilisation. L’IOSCO, une association internationale de régulateurs financiers, a présenté un certain nombre de recommandations, notamment une possible réglementation au sein du marché volontaire, et des mesures visant à améliorer la transparence et la liquidité au sein du marché de conformité plus établi.

A plus long terme, la pénurie actuelle d’énergie ne peut qu’entraîner une accélération des efforts de décarbonation : même lorsque les prix fléchissent, la sécurité de l’approvisionnement s’avère médiocre. Mais à court terme, il y a eu, paradoxalement, un mouvement de retour vers des combustibles plus sales et des fournisseurs douteux : la consommation d’électricité à base de charbon est en hausse de 2% et les Etats-Unis autorisent le retour du pétrole vénézuélien sur les marchés mondiaux. Le développement d’infrastructures de gaz supplémentaires visant à répondre aux besoins d’approvisionnement à court terme reste également une stratégie à long terme discutable, les actifs risquant de devenir échoués. Le LNG n’est pas non plus une panacée : selon une étude, son extraction, son transport et la liquéfaction du méthane sont tout aussi polluants que le charbon. Il existe  ainsi certains obstacles très visibles à court terme.

Fait encourageant, les engagements pris lors de COP 27 de Glasgow l’année dernière sont lentement en train de se frayer un chemin pour passer dans les textes de lois, certain des principaux émetteurs ayant commencé à tenir ces nouveaux engagements. Au cours de l’été, le Congrès américain a adopté tardivement la loi « Inflation Reduction Act « (loi sur la réduction de l’inflation), une version allégée du projet de loi « Build Back Better » (reconstruire en mieux), qui rapproche un peu plus les Etats-Unis de leur objectif de réduire les émissions de carbone de 50% d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2005). La Commission européenne est également en train d’emboîter le pas avec diverses initiatives, notamment un nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, une taxe sur les importations provenant de secteurs à forte intensité carbone qui ne respectent pas les normes écologiques de l’UE.

En réalité, comme nous l’avons évoqué, l’aventure ne fait que commencer, et cette conférence n’a pas été la COP de mise en œuvre que les activistes espéraient. Mais elle était loin d’être une mauvaise COP. A l’évidence, une réduction (baisse du volume de la production basée sur des combustibles fossiles) et une substitution (utilisation d’autres formes d’énergie) sont nécessaires pour atteindre les objectifs d’émissions à long terme. Pour certains pays toutefois (et certains secteurs au sein de ces pays), ces actions peuvent s’avérer impossibles ou non rentables, même avec une compensation, et la reconnaissance formelle du rôle inévitable que l’ « adaptation » va jouer, fait partie de la solution à long terme. Dans le même temps, mieux intégrer le coût social des émissions de carbone à la prise de décision publique, en taxant davantage les combustibles fossiles et en facilitant et en régulant la croissance du négoce d’émissions, constitue un pas dans la bonne direction.

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