Transmettre en réalisant un "saut de génération"

  • Partner - Responsable de l'Ingénierie Patrimoniale - Rothschild Martin Maurel

La pratique des transmissions de patrimoine a évolué au fil du temps : les petits-enfants sont de plus en plus souvent allotis par leurs grands-parents. En cause, le vieillissement de la population qui fait que les enfants héritent de plus en plus tard, à un moment où les besoins ne se font plus sentir. Dès lors, l’intérêt d’une transmission aux petits-enfants devient une évidence.

Pour ce faire, de nombreux outils permettent la mise en place de stratégies de transmission judicieuses et adaptées, dans certains cas, encouragées par une fiscalité attrayante.

La transmission sur plusieurs générations nécessite en amont un dialogue au sein de la famille, vos interlocuteurs habituels sont à votre disposition pour répondre à vos questions sur ce sujet.

La transmission directe aux petits-enfants

Chaque grand-parent peut consentir à chacun de ses petits-enfants, une donation en franchise de droits de mutation, jusqu’à 31.865€ tous les 15 ans, sans aucune condition d’âge, et quel que soit l’actif donné (espèces, titres, biens meubles, etc.). Au-delà, la taxation s’opère selon le barème progressif en ligne directe. Le grand-parent peut prendre en charge les droits de donation sans que ceci ne soit considéré comme une donation supplémentaire.Cet abattement se cumule avec celui applicable tous les 15 ans aux dons familiaux de sommes d’argent (31.865€ également). Cependant, ce dernier nécessite que le donateur ait moins de 80 ans et le donataire plus de 18 ans.Les abattements sont de fait doublés si les deux grands-parents donnent en même temps.L’idéal est donc de transmettre le plus tôt possible pour pouvoir, si cela est envisageable, renouveler l’opération après le délai de « rechargement » de 15 ans.

Outil de transmission à terme, le contrat d’assurance-vie permet au grand-parent souhaitant transmettre de ne pas se dessaisir immédiatement des capitaux au profit des petits-enfants.Civilement, les capitaux issus de l’assurance-vie ne font pas partie de la succession de l’assuré. Il est donc loisible de désigner ses petits-enfants en qualité de bénéficiaires (sauf primes manifestement exagérées).Cette désignation est d’ailleurs modifiable à tout moment par le souscripteur, conférant par là même un caractère « réversible » à la transmission envisagée. Fiscalement, si les primes sont versées avant 70 ans, chaque grand-parent peut attribuer à chaque petit-enfant un capital de 152.500 euros en franchise de droits lors du décès (hors prélèvements sociaux sur les produits). Après 70 ans, le régime fiscal applicable aux capitaux décès est généralement moins favorable. Autre possibilité : une rédaction adéquate de la clause bénéficiaire permettra de désigner ses enfants tout en conférant à ces derniers la faculté de renoncer à tout ou une partie des capitaux, pour que ces derniers reviennent aux petits-enfants et/ou d’attribuer une somme fixe ou un pourcentage des capitaux aux enfants et aux petits-enfants.

La donation-partage transgénérationnelle (DPTG) est une technique qui consiste à transmettre à des descendants de degrés différents (enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants, etc.) tout en figeant les valeurs des biens donnés au jour de la donation. Un démembrement est également possible, la nue-propriété étant donnée aux petits-enfants et l’usufruit aux enfants. Enfin, si les parents donnent leur accord, les grands-parents peuvent transmettre aux petits-enfants des sommes qui dépassent la quotité disponible. Cette technique permet également de revenir sur des donations antérieures, effectuées au profit des enfants, en réattribuant aux petits-enfants les biens précédemment donnés aux enfants, avec l’accord bien entendu, des donataires d’origine. La réattribution peut ne porter que sur certains des biens ayant déjà été transmis ou sur la seule nue-propriété. L’intérêt est donc de pouvoir transmettre immédiatement à la seconde génération dans un cadre fiscal favorable.

Fiscalement, l’opération est particulièrement intéressante : si la donation initiale a été faite il y a plus de 15 ans, la transmission aux petits-enfants n’est soumise qu’au droit de partage (2,5% de la valeur des biens réincorporés au jour de la donation transgénérationnelle) et non pas aux droits de mutation.Dans le cas contraire (donation initiale faite il y a moins de 15 ans), la réattribution des biens aux petits-enfants est soumise aux droits de mutation à titre gratuit au barème grands-parents/petits-enfants (identique à celui parents/enfants) mais avec application des abattements de 31.865€ et imputation des droits réglés lors de la première donation.

L’opération permet donc, là aussi, de réaliser un « saut de génération » à moindre coût, les droits de mutation n’étant acquittés qu'une seule fois au lieu de deux.Les grands-parents peuvent également recourir à des présents d’usage pour gratifier leurs petits-enfants.Il s’agit en clair des cadeaux qui sont communément offerts à l’occasion d’événements familiaux (naissances, anniversaires, etc.).La modicité de leurs montants qui s’apprécie au regard des revenus et du patrimoine du donateur, les fait échapper au régime des donations, tant civilement que fiscalement. Ils ne sont donc ni imposables, ni rapportables à la succession du donateur.

A condition de respecter les occasions les justifiant et veiller à leur caractère modique, les grands-parents pourront donc régulièrement allotir leurs petits-enfants.

La transmission en deux temps

Transmettre l’usufruit d’un bien à ses enfants et la nue-propriété à ses petits-enfants peut avoir du sens, surtout appliqué à des biens immobiliers, des parts de sociétés civiles ou à un contrat de capitalisation.

Les parents, devenus usufruitiers, disposeront de revenus complémentaires et, à leur décès, les petits-enfants deviendront pleins propriétaires sans fiscalité supplémentaire.

Les capitaux issus d’un contrat d’assurance-vie peuvent également faire l’objet d’un démembrement. Si cela conduit à la mise en place d’un quasi-usufruit, les petits-enfants désignés nus-propriétaires pourront déduire de la succession de leurs parents la dette de restitution équivalente à la valeur des capitaux démembrés issus du contrat d’assurance-vie de leurs grands-parents, diminuant d’autant l’assiette des droits de succession qu’ils auront à acquitter.

Autre solution : la transmission résiduelle. Celle-ci se réalise en deux temps grâce à un testament ou une donation. Le grand-parent transmet un bien à un premier bénéficiaire (son enfant), qui peut en disposer mais devra transmettre ce qui en restera à un second bénéficiaire (le petit-enfant), également désigné dans le testament/la donation.

La donation graduelle diffère en ce qu’elle comporte l'obligation pour le premier bénéficiaire de conserver les biens donnés et de les transmettre, à son décès, au second bénéficiaire, désigné dans l'acte. Outre le « pilotage » de la destination d’un bien sur deux générations (maison familiale, tableaux, bijoux, etc.), ce mode de transmission présente un intérêt économique indéniable car une seule transmission est taxée. En effet, les droits de mutation réglés lors de la première transmission s’imputeront sur ceux que devra régler le petit-enfant lors de la seconde transmission, aucun remboursement ne pouvant cependant avoir lieu. Cette mécanique fiscale assez peu connue, est particulièrement utile lorsqu’il s’agit de gratifier au second degré les petits-enfants ou arrières petits-enfants. Aucun inconvénient n’y est attaché, hormis la revalorisation de la base imposable au décès du premier gratifié.

Un « saut de génération » peut également être initié par les enfants qui héritent. Ces derniers peuvent en effet renoncer à la succession de leur ascendant : leur part est alors transmise à leurs propres enfants et l’abattement dont ils auraient pu bénéficier est réparti entre ces derniers. Cette renonciation permet d’économiser un niveau de droits de succession. Par ailleurs, chaque petit-enfant bénéficiera de la progressivité de l'impôt, ce qui réduira le coût de la transmission.

Un testament pourra permettre aux héritiers de cantonner leurs droits à certains biens et abandonner les autres à leurs propres héritiers (les petits-enfants).Dans tous les cas de transmission évoqués ci-dessus, des clauses peuvent être prévues pour limiter les pouvoirs des mineurs ou des jeunes majeurs. Elles garantiront soit le remploi des sommes transmises (dans la souscription d’un contrat d’assurance-vie par exemple) et/ou leur indisponibilité temporaire (jusqu’à un certain âge, ou la fin des études).

Quand la situation familiale le justifie, il sera possible au grand-parent de prévoir qu’en cas de prédécès du parent du petit-enfant mineur, l’administration des capitaux transmis soit réalisée, non pas par le parent survivant, mais par le grand-parent ou un membre de la famille voire un tiers.

 

La donation-partage conjonctive permet à deux parents de donner des biens à leurs enfants sans considération de l’origine réelle, maternelle ou paternelle, de ces biens.

Dans les familles recomposées, elle permet ainsi d’allotir tant les enfants communs du couple que ceux que l’un des époux (voire les deux) a eu précédemment. Pour cela, le couple doit avoir au moins deux enfants communs qui participent à l’acte et les enfants non communs ne doivent pas recevoir des biens qui appartiennent à leur beau-parent.

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