Asset Management Europe: Monthly Macro Insights - Mars 2023

En dépit d’une communication se voulant convaincante de la part des banques centrales, notamment au regard de la vigueur persistante des marchés du travail, les investisseurs s'attendaient à des baisses de taux dès le second semestre 2023 dans un contexte de ralentissement de l'inflation mondiale. Or, les récentes données macroéconomiques ont jeté un froid sur leur espoir d’une désinflation rapide.

Les banques centrales vont-elles (et peuvent-elles) tolérer une croissance plus forte?

La confiance des entreprises s’est redressée en février, indiquant un retour à la croissance grâce à l'amélioration de la situation sur les chaînes d'approvisionnement et à la réouverture de la Chine. Cependant, alors que les goulots d'étranglement continuent de s'estomper, la sous-composante des prix à la production dans le secteur manufacturier reste bloquée à un niveau élevé, augmentant ainsi le risque que l'inflation des biens s'enracine. Parallèlement, les tensions sur le marché du travail pourraient continuer d’alimenter les pressions sur les prix dans le secteur des services. Dans ce contexte, les investisseurs ont été contraints de revoir à la hausse leurs projections de taux directeurs terminaux, tout en repoussant le calendrier des baisses de taux attendues.

Aux États-Unis, des chiffres plus forts qu’attendu des prix à la consommation et des prix à la production suggèrent que l'inflation est probablement beaucoup plus persistante que ce qu’espéraient les investisseurs. De plus, les récentes publications de données américaines ont confirmé la solidité du marché du travail. Ainsi, certains membres de la Fed ont émis l'idée qu'un retour à des hausses de taux de 50 points de base pourrait être justifié et presque tous ont insisté sur nécessité d’un taux directeur "plus haut pour plus longtemps".

En Zone euro, l'inflation a été beaucoup plus forte que prévu en février selon les premières estimations. Cela pourrait inciter les travailleurs à rechercher des augmentations de salaire plus importantes dans un marché du travail tendu. Dans ce contexte, la BCE relèvera sans doute ses taux de 50 points de base lors de la réunion du 16 mars, et pourrait ajouter au moins 75 points de base supplémentaires d'ici la fin de l’année.

En somme, portés par l'espoir que l’abandon des restrictions sanitaires se traduise par une amélioration marquée de l'activité économique chinoise, alors que les craintes de récession en Europe s’évaporent, les investisseurs ont revu à la hausse leurs projections de croissance mondiale. Cependant, les banques centrales pourraient voir d'un très mauvais œil cette amélioration des perspectives économiques mondiales et, cyniquement pour certains, empêcher toute accélération de la croissance en resserrant encore davantage leurs politiques monétaires, avec le risque – notamment financier – que cela comporte.

Les leçons des années 1970

La flambée des prix de ces deux dernières années a fait craindre aux investisseurs que l'économie mondiale ne connaisse une période de forte inflation persistante. La hausse des prix des produits de base, dans le sillage de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a exacerbé les pressions inflationnistes déjà élevées dues aux perturbations d'offre liées à la pandémie, tant dans le secteur des biens que sur le marché du travail. À cet égard, la situation ressemble aux chocs pétroliers des années 1970. De plus, à l'époque comme aujourd'hui, les politiques monétaires et budgétaires étaient accommodantes préalablement à ces chocs.

Cependant, les années 1970 ont été marquées par des rigidités économiques structurelles considérables, et l'indexation générale des salaires était un puissant moteur de la spirale salaires-prix. Or, dans les années 1980, la plupart des pays ont décidé d'arrêter, voire d’interdire, les clauses d'indexation afin de limiter la persistance des chocs inflationnistes. Un changement de paradigme s'est également opéré dans les cadres de la politique monétaire depuis les années 1970. Les banques centrales d'aujourd'hui ont des mandats clairs en matière de stabilité des prix, exprimés sous la forme d'une cible d'inflation explicite, et ont obtenu des résultats crédibles dans la réalisation de leurs objectifs.

Dans l'ensemble, le resserrement synchrone des politiques monétaires a contribué à la récession mondiale de 1982, permettant à l'inflation mondiale de fléchir à environ 5 % par an, en moyenne, pendant le reste des années 1980, contre une moyenne de plus de 10% entre 1973 et 1983[1]. Ainsi, l’expérience des années 1970 a montré que les banques centrales doivent agir de manière préventive afin d’éviter une perte de confiance dans leur capacité à maintenir une inflation faible, malgré le coût élevé lié à la dégradation du marché du travail, notamment. La question étant de savoir si les banques centrales d'aujourd'hui accepteront un sacrifice à court terme pour un gain à long terme.

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Achevé de rédiger le 6 mars 2023