Asset Management Europe: Monthly Macro Insights – Janvier 2022

Marc-Antoine Collard, Chef économiste, Directeur de la recherche, Asset Management, Europe

Les deux dernières années ont été marquées par de fortes perturbations ainsi que d’importantes opportunités. En effet, la pandémie a bouleversé non seulement les marchés financiers, mais aussi notre vie quotidienne, agissant comme un catalyseur de changements transformateurs, notamment du point de vue technologique. Pour autant, les ménages et les entreprises se sont adaptés beaucoup plus rapidement que prévu grâce à un soutien extraordinaire des politiques monétaire et budgétaire, lequel a toutefois atteint un point d’inflexion manifeste. 

Retardée, mais pas déraillée

Début janvier, les nouveaux cas quotidiens de Covid-19 ont atteint 2,5 millions au niveau mondial (Source : One World in Data, janvier 2022), soit plus du double du pic précédent enregistré en avril 2021, bien que des distorsions dans le nombre de tests effectués aient pu gonfler quelque peu les statistiques. Alors que les hospitalisations devraient continuer d'augmenter au cours des prochaines semaines, compte tenu de l’augmentation fulgurante du nombre de nouveaux cas, plusieurs études suggèrent que le variant Omicron provoque des symptômes plus légers comparativement au Delta. 

Bien que l'impact négatif sur le PIB sera vraisemblablement relativement modéré par rapport aux vagues précédentes, la détérioration de la situation sanitaire nuira néanmoins à l'activité économique. Les entreprises tentent de s'adapter à l'augmentation du nombre de contaminations, y compris dans la gestion des ressources humaines alors que l'annulation de milliers de liaisons aériennes est un exemple révélateur des défis auxquels elles sont confrontées. La chute de la confiance des entreprises dans le secteur des services est tangible, notamment en Zone euro et au Royaume-Uni où l'indice Markit (Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction) est tombé à 53,1 et 53,6 respectivement en décembre, le plus bas depuis le printemps dernier, quoique toujours fortement ancré en territoire d'expansion.

Les gouvernements réfléchissent maintenant à la manière de maintenir le fonctionnement des services essentiels face à une vague d'absences de personnel. Des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni ont raccourci les périodes d'isolement pour les personnes testées positives pour la Covid-19 mais asymptomatiques afin d'éviter les pénuries de travailleurs dans plusieurs secteurs, tels que le milieu hospitalier. En revanche, la Chine maintient fermement sa politique zéro-Covid avant la tenue des Jeux olympiques d'hiver, ce qui continuera de peser sur l'économie.

Or, si la reprise est susceptible d'être – encore une fois – retardée en raison de l'impact du virus, le trou d’air ne serait que temporaire. Les entreprises industrielles ont clôturé 2021 dans des conditions favorables alors que le secteur continue de récolter les fruits d'une forte demande nationale et internationale, notamment du côté des biens durables. D’ailleurs, l'indice Markit de confiance des entreprises manufacturières reste robuste, oscillant autour de 54 au cours des cinq derniers mois.

Les contraintes sur les chaînes d'approvisionnement vont-elles bientôt culminer ?

Alors que les perspectives économiques de 2022 sont unanimement perçues comme étant favorables, il est difficile d'ignorer les impacts de la pandémie, en particulier en ce qui a trait aux pénuries de matériaux et aux perturbations des chaînes d'approvisionnement qui ont entravé la croissance et provoqué d'importantes pressions sur les prix. Ainsi, l'inflation a augmenté dans la plupart des économies, car le niveau élevé des prix de l’énergie ont freiné la fabrication de matériaux essentiels et les goulots d’étranglement dans les chaînes de production se sont propagés, créant des pénuries généralisées de plusieurs biens.

En outre, le marché du travail reste déséquilibré. Par exemple, aux États-Unis, un nombre record de 4,5 millions d'Américains ont quitté leur emploi en novembre, poussant le taux de départ volontaire à 3%, un record depuis que ces données ont commencé à être compilées en 2000 (Source : Bureau of Labor Statistics, janvier 2022).. Le niveau sans précédent de démissions suggère une lutte persistante des employeurs pour retenir les talents, s’ajoutant aux inquiétudes quant à l'inflation des salaires. À l'échelle mondiale, si les taux de chômage dans la plupart des pays restent supérieurs à leurs niveaux d'avant la pandémie et les heures travaillées ne se sont que partiellement rétablies, les entreprises de plusieurs secteurs rencontrent d’importantes difficultés à recruter, en partie à cause de l'inadéquation des compétences. Une pénurie de travailleurs dans certains métiers reflète également une baisse des taux d'activité dans plusieurs pays, certaines personnes ayant décidé de prendre leur retraite tandis que des problèmes de garde d'enfants ou de santé ont conduit d'autres à quitter le marché du travail. D’ailleurs, que le rapport de force entre le capital et le travail ait changé fondamentalement ou pas, la pandémie aura déclenché de nombreuses transformations.

Cela dit, l'indice Markit manufacturier mondial de décembre a envoyé des signes encourageants indiquant que les contraintes d'approvisionnement pourraient commencer à s'atténuer. En effet, après un niveau historique en octobre, le sous-indice des délais de livraison signalait des retards plus courts, retrouvant les niveaux observés en mai dernier. De plus, cette amélioration semble être corroborée par l'atténuation des pressions sur les prix, le sous-indice des prix à la production ayant chuté pour un deuxième mois et, bien qu'encore élevé, ce dernier est retombé à son plus bas niveau depuis avril.

Risques découlant de politiques moins accommodantes

Dans l'ensemble, les impacts d'Omicron – et des nouveaux variants à venir – sont encore inconnus, mais les investisseurs demeurent optimistes, convaincus que les décideurs politiques restent déterminés à contenir toute répercussion négative sur l'économie. Cependant, les perspectives d'inflation sont incertaines et les banquiers centraux ont été contraints de resserrer leurs politiques monétaires face aux pressions galopantes sur les prix. Ainsi, après le « choc d'inflation » de 2021 et le « choc de croissance » de 2020, l’économie mondiale pourrait être frappée par un « choc de taux » en 2022.

En effet, la plupart des banques centrales du monde émergent, mais aussi de certaines économies avancées comme la Norvège et le Royaume-Uni, se sont lancées dans des cycles de hausse des taux d'intérêt à un moment où la politique budgétaire est sur le point d'être restrictive.

Aux États-Unis, le taux directeur est resté inchangé lors de la réunion de décembre, mais la Fed a effectué un virage à 180 degrés, doublant le rythme de la diminution des achats d'actifs, ce qui avancera la fin du programme à la mi-mars. De plus, elle projette trois hausses de taux en 2022 et certains membres ont affirmé que la réduction du bilan pourrait commencer très rapidement après le début de la normalisation des taux, ajoutant même qu'une réduction significative pourrait être appropriée. Ces ajustements reflètent l'évolution des anticipations économiques de la Fed, les perspectives de l'inflation sous-jacente PCE ayant été révisées à 2,7% en 2022 par rapport à l'estimation précédente de 2,3% et après 4,4% en 2021 (Source : FOMC, décembre 2021). En outre, la baisse du taux de chômage a été considérée comme la preuve que le marché du travail se rapproche rapidement de l'objectif de plein emploi. Par conséquent, les marchés financiers estiment que le taux directeur pourrait être relevé dès la réunion de mars prochain.

Achevé de rédiger le 6 janvier 2022

Retrouvez l'analyse complète dans la Monthly Macro Insights.

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