Asset Management Europe: Monthly Macro Insights – Février 2021

Marc-Antoine Collard, Chef économiste, Directeur de la recherche, Asset Management, Europe

Le lancement des campagnes de vaccination et la mise en place des mesures budgétaires de soutien annoncées à la fin de 2020 – notamment aux États-Unis et au Japon – consolident l’espoir d’un raffermissement de la reprise plus tard  dans l’année après le trou d’air attendu au premier trimestre 2021. Cependant, les nouvelles variantes du virus, les problèmes logistiques liés à la distribution des vaccins et l’incertitude quant à leur acceptation invitent à la prudence. Par ailleurs, un rebond de l’inflation est prévisible en 2021, ce qui est susceptible de provoquer des épisodes de volatilité sur les marchés financiers.

La deuxième vague de la pandémie de Covid-19 a engendré un nombre record de décès, obligeant les gouvernements à imposer des restrictions plus strictes, lesquelles ont commencé à porter leurs fruits en abaissant le nombre de nouveaux cas. En l’absence de statistiques économiques à hautes fréquences concernant l’impact du choc sur l’économie, les économistes se sont appuyés sur des mesures alternatives, notamment sur la base des données de mobilité de Google. Au cours des trois premiers trimestres de l’année dernière, ces indicateurs se sont révélés utiles pour suivre la dynamique de croissance mondiale. 

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Cependant, le lien entre la mobilité et la croissance du PIB s’est récemment atténué, les restrictions ayant un impact plus limité sur l’activité. À cet égard, l’Allemagne est probablement un exemple emblématique, avec un contraste frappant entre une forte baisse de la mobilité, mais un léger ralentissement de l’activité économique. Ainsi, les estimations préliminaires montrent que le PIB a augmenté de 0,1% sur un trimestre glissant au quatrième trimestre 2020, tandis que les PIB en Espagne (0,4%) et en France (-1,3%)(1) ont également favorablement surpris. En fait, de nombreuses entreprises durement touchées par les restrictions et les fermetures semblent s’être adaptées en créant de nouveaux débouchés ou en modifiant leur mode de livraison des produits.

(1) Source : Eurostat, 29/01/2021.

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Si la relation entre mobilité et croissance s’est effritée, elle n’en reste pas moins un indicateur pertinent pour apprécier l’évolution de l’activité mondiale et la trajectoire des dernières données mensuelles indique clairement une perte de dynamisme à la fin 2020. En novembre, les ventes au détail ont chuté de part et d’autre de l’Atlantique, et la baisse de l’emploi dans le secteur des services privés aux États-Unis en décembre et le recul de la confiance des entreprises en janvier sont autant d’éléments témoignant de l’empreinte plus large des conséquences économiques de la deuxième vague. 

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Pour autant, le ralentissement brutal devrait céder la place à un rebond à l’arrivée du printemps lorsque les vaccins deviendront plus facilement disponibles, ce qui permettra à la demande, aujourd’hui refoulée, de s’exprimer. Après un lent démarrage du déploiement mondial des vaccins, la rapidité avec laquelle les économies peuvent vacciner les plus vulnérables et commencer à revenir à la normale demeure sujet à débats, mais la plupart des investisseurs considèrent la fin du printemps comme le tournant le plus probable dans la lutte contre le virus. Les gouvernements devraient dès lors probablement commencer à lever les restrictions une fois que 20% à 25% de la population – les plus vulnérables – sera vacciné, ce qui pourrait être atteint d’ici mars au Royaume-Uni, avril aux États-Unis et mai en Europe continentale et au Canada.

Les inégalités entre les pays sont toutefois susceptibles de se creuser car la vigueur de la reprise dépendra de la structure économique et de la prépondérance des secteurs aux contacts fréquents, de même que de l’efficacité des mesures de soutien pour limiter les dommages persistants. Dans ses dernières Perspectives de l’économie mondiale, le FMI projette un retour du PIB mondial à son niveau de 2019 d’ici la fin de cette année, mais la dynamique en Chine, et dans une certaine mesure aux États-Unis, expliquent l’essentiel de ce retour à la case départ.

Ainsi, la plupart des pays afficheront encore une perte de production significative deux ans après le choc.  

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En outre, des incertitudes concernant les vaccins demeurent : une plus faible acceptation généralisée pourrait entraver l’efficacité du vaccin, l’immunité pourrait s’avérer plus courte que prévu tandis que les recherches concernant les nouvelles variantes de la Covid-19 – notamment au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et au Brésil – se poursuivent.

Dans cet environnement encore très incertain, la politique monétaire devrait rester très accommodante. Sans surprise, la Fed a maintenu sa politique monétaire inchangée et a conservé un rythme d’achats d’actifs de 120 milliards de dollars par mois, reconnaissant que la reprise s’était essoufflée au cours des derniers mois, en particulier sur le marché du travail. Lors de sa conférence de presse, son président Jerome Powell a mis en avant les risques à la baisse pour les perspectives économiques et a réitéré qu’il était prématuré d’envisager une réduction du rythme des achats d’actifs, ce qui signifie qu’un changement de la politique de la Fed est très peu probable cette année. Il s’est également voulu rassurant concernant les fortes hausses de prix de l’immobilier, soulignant qu’une partie de la tension sur le marché de la revente qui a conduit à ces augmentations est probablement un phénomène passager. Or, si cette tendance haussière devait se poursuivre, la Fed pourrait se trouver dans une situation délicate, d’autant que les valorisations des marchés financiers sont historiquement très élevées et que l’inflation va commencer à augmenter. 

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En effet, les indices de prix à la consommation seront vraisemblablement volatiles en 2021. Au cours des dernières semaines, les données d’inflation aux États-Unis, en Allemagne et en Espagne ont positivement surpris et suscitent déjà un débat parmi les investisseurs. Alors que les prix avaient généralement évolué à la baisse au début de la pandémie, notamment l’énergie, les taux d’inflation vont s’accroître au premier semestre en raison de la comparaison d’une année sur l’autre. Dans la Zone euro, ce rebond est renforcé par la suppression de la réduction de la TVA en Allemagne et de l’introduction récente d’une taxe carbone, ainsi que par la repondération des biens entrant dans le panier typique de consommation. De plus, les fabricants mondiaux continuent d’être confrontés à des contraintes d’approvisionnement liées à la Covid-19 (par exemple, la pénurie de camionneurs et de dockers, où les navires de fret ont formé des embouteillages dans les ports des États-Unis et de l’UE) et sont également confrontés à une certaine incertitude, notamment en ce qui concerne les politiques de l‘Administration Biden et le traitement des nouvelles procédures post-Brexit. En outre, à supposer que la reprise économique de cette année soit davantage concentrée dans les services, en particulier dans les dépenses liées aux voyages, aux loisirs et aux divertissements, il existe également un potentiel de pression à la hausse sur l’inflation de ces secteurs.

Cependant, malgré le rebond de la croissance prévu cette année, les écarts de production (output gap) ne devraient se résorber que bien après 2022. Ces derniers, combinés à des taux de chômage élevés et à une sous-utilisation importante sur le marché du travail, représentent de puissants freins à une augmentation persistante de l’inflation. Pour autant, il pourrait s’avérer difficile de distinguer un rattrapage transitoire et l’amorce d’une dérive plus structurelle de l’inflation, provoquant potentiellement des sursauts de volatilité susceptibles de gâcher le scénario optimiste des investisseurs. D’ailleurs, l’un des principaux défis pour les banquiers centraux cette année sera d’amorcer la sortie des mesures extrêmes de soutien sans perturber la stabilité financière. 

Retrouvez l'analyse complète dans la Monthly Macro Insights.

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