Asset Management Europe: Lettre Mensuelle – Mai 2020

Marc-Antoine Collard, Chef économiste, Directeur de la recherche, Asset Management, Europe

Évolution de la conjuncture

La pandémie de Covid-19 inflige un coût humain élevé et croissant partout dans le monde. Afin de permettre aux systèmes de santé de faire face à ce fléau et ralentir la propagation du virus, il aura fallu confiner des pays entiers et procéder à des fermetures généralisées, ce qui a eu de graves répercussions sur l'activité économique. D'ailleurs, la perte de production en 2020 éclipsera très probablement celle liée à la Crise financière mondiale de 2008-2009. En outre, l'incertitude entourant 2021 atteint une dimension considérable, car des facteurs tels que la trajectoire de la pandémie, l'intensité et l'efficacité des efforts de confinement, l'étendue des ruptures des chaînes d'approvisionnement et les changements de comportement des ménages et des entreprises représentent des éléments très difficiles à prévoir.

La grande variation de l'impact de cette crise sanitaire sur le PIB au T1 2020 - le PIB américain a chuté de -4,8% t/t ann. et celui de la Zone euro de -14,4% - peut être attribuée à la séquence de l'épidémie. Si les mesures prises pour ralentir la propagation ont amputé l'activité des trois premiers mois de l'année, ces mêmes forces entraîneront une baisse encore plus importante au T2, et ce spectaculaire effondrement synchronisé de la croissance mondiale pose des défis uniques aux décideurs publics.

D'ailleurs, la réponse des gouvernements devrait dépasser ce qui a été dévoilé en 2009. Par exemple, le Congrès américain a alloué des centaines de milliards de dollars d'allégements fiscaux en réponse à la pandémie, augmentant et étendant les prestations de chômage, envoyant à la plupart des Américains un chèque de $1 200 et encourageant les entreprises à garder leurs salariés.

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Parallèlement, les Banques centrales sont devenues de plus en plus innovantes et interventionnistes sur différents marchés. En effet, bien que les baisses des taux directeurs aient été relativement modestes, leurs bilans augmenteront fortement cette année, les achats de titres publics devant renforcer la transmission des politiques de taux d'intérêt « bas pour longtemps » alors qu'une large palette d'instruments de crédit améliorerait la liquidité du marché et stimulerait les prêts. En outre, les autorités fiscales soutiennent les activités de la Banque centrale par le biais de garanties de prêts et, grâce à ces actions sans précédent, les politiques monétaire et budgétaire sont dorénavant en partie étroitement imbriquées. Dans l'ensemble, ces mesures de relance et de liquidité, visant à réduire le stress systémique dans le système financier, ont renforcé la confiance et consolidé les attentes pour une éventuelle reprise économique. En revanche, il ne faut pas perdre de vue que ces réponses politiques sans précédent ne sont que proportionnelles à l'effondrement, également sans précédent, de l'activité économique. De plus, un retour rapide à la normale est très incertain. En Chine, le PIB a chuté au T1 2020 de -6,8% a/a, du jamais vu. Les données d'activité de mars suggèrent que la reprise sera vraisemblablement graduelle, la demande intérieure chinoise étant toujours entravée par les restrictions de quarantaine et la peur de certains consommateurs, comme le montre les indicateurs quotidiens encore déprimés.

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Par ailleurs, la pandémie, d'abord signalée en Chine, s'est propagée rapidement en Europe puis aux É.-U., et l'OMS a averti que la 4e vague frapperait les pays émergents (EM). Les économies avancées, dotées notamment de systèmes de santé développés et du privilège d'émettre des devises fortes, sont relativement mieux placées pour faire face à cette crise. À l'inverse, les défis auxquels sont confrontés plusieurs EM sont infiniment plus grands. Ces pays ont connu les sorties de capitaux les plus importantes jamais enregistrées et cette perte de financement de la dette extérieure mettra en difficulté les emprunteurs plus endettés et moins solvables. De plus, la quasi-totalité des devises se sont dépréciées par rapport au dollar, les économies productrices de matières premières comme le Brésil, le Mexique et l'Afrique du Sud ayant chuté de -25% depuis le début de l'année, atteignant dans certains cas un record absolu. Dans l'ensemble, l'arrêt soudain de l'activité économique, des sorties massives de capitaux, ainsi que le choc des prix du pétrole, représentent une situation critique pour de nombreux EM, d'autant plus que la plupart d'entre eux sont entrés dans cette crise avec des conditions plus fragiles qu'en 2008.

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En somme, le net rebond de ces dernières semaines sur les marchés boursiers semble compatible avec un retour sans heurt de la croissance économique au S2 2020 à un rythme normal. Ainsi, les investisseurs entrevoient la pandémie comme une catastrophe naturelle où l'activité, certes, s'effondre, mais où la dynamique de l'économie est rapidement retrouvée, d'autant plus que les mesures de politiques économiques ont été rapides et substantielles. Pour autant, les mesures prises par les Banques centrales et les gouvernements ne peuvent complètement modifier le comportement humain et forcer les gens à quitter leur domicile, à manger au restaurant et à faire des achats dans les centres commerciaux. À cet égard, la crise du Covid-19 pourrait se révéler une récession classique, où hausse du chômage et faillites d'entreprises aggraveraient les vulnérabilités préexistantes, à savoir les niveaux élevés de dette privée et publique.

De plus, bien qu'absente pour le moment, la coordination internationale semble pourtant cruciale puisque les confinements non synchronisés soulèvent la possibilité que le virus réapparaisse séquentiellement à travers le monde. En effet, même un pays qui conçoit un plan sanitaire efficace ne sera pas à l'abri des effets de politiques insuffisantes ou inefficaces mises en place dans d'autres parties du monde. Il faut souhaiter que, en dépit de circonstances difficiles, certains éléments puissent conforter l'optimisme des investisseurs, tels que le développement d'un vaccin, à une vitesse comparable à celle de la recherche de traitements thérapeutiques.

Retrouvez l'analyse complète dans la Lettre Mensuelle (190 KB)

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